Le sachez tu !? :o Chronique étymologique et culturelle par Laurence Chalon

Le sachez tu !? :o Petite chronique étymologique et culturelle par Laurence Chalon

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mardi 28 février 2023

La festa candelarum, fête des candélabres, ou des chandelles, ou encore chandeleur,

 La festa candelarum, fête des candélabres, ou des chandelles, ou encore chandeleur, a lieu 40 jours après Noël, donc le 2 février, jour correspondant hypothétiquement à la présentation de Jésus au Temple et aux relevailles de Marie.

Aux Etats Unis, le deux février, on fête le jour de la marmotte ou Groundhog Day : ce jour-là, on doit observer l'entrée du terrier d'une marmotte.
Si elle émerge et ne voit pas son ombre parce que le temps est nuageux, l'hiver finira bientôt.
Si la marmotte voit son ombre parce que le temps est clair, elle sera effrayée et se réfugiera de nouveau dans son trou, et l'hiver continuera pendant six semaines supplémentaires.
Ci-dessous :
Godfried Schalcken (1643-1706)
Garçon avec masque de crêpes 1675
Déguisement tout trouvé pour le carnaval tout proche...
Hambourg Kunsthalle.
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jeudi 2 février 2023

Le Sachez Tu !? 😮 La "Taphophobie" de τάφος, táphos, tombe

 Le Sachez Tu !? 

😮 La "Taphophobie" :
est la peur d'être enterré vivant, de τάφος, táphos, tombe, peur très répandue autrefois, puisqu'on ne faisait guère la différence entre catalépsie, léthargie, et coma et que l'on pensait communément que les croquemorts étaient chargés de mordre le petit doigt pour s'assurer du trépas du défunt...

En réalité, l'étymologie de croquemort vient plutôt de "escroc" et ils avaient davantage l'habitude d'enlever les bagues des doigts des dépouilles que de mordre ceux-ci, comme on l'a vu dans l'article " Le Sachez Tu !? 😮" du 24 octobre 2022

"Inhumer" :
est au sens propre "en-terrer", puisqu'il s'agit de mettre dans l'humus (terre).
Humus est de la même famille qu'humilier, ou mettre plus bas que terre...

Catalepsie :
vient du grec κατάληψις, katalepsis, attaque, saisissement, de κατά, katá + λαμβάνω, lambánô, prendre.

Léthargie :
vient de ληθαργία lêthargia, sommeil, composé
de λήθη, lêthê, oubli + ἀργός, argós, inactif

Coma :
vient de κῶμα, kôma, sommeil profond, et du verbe κεῖμαι, keímai, être couché.

Défunt :
de défunctus, de + fungor, exécuter

Trépasser :
du verbe trespasser, traverser, aller vers "au-delà".

Ci-dessous :
Antoine Wiertz (1806-1865) né à Dinant, mort à Bruxelles
fut très morbide (du latin morbus, maladie) dans ses sujets de peintures
"L'inhumation précipitée" 1854
A noter l'inscription :
Mort du choléra, Certifié par nous Docteurs Sandoutes.
"L'Enterré vivant" :
est une nouvelle d'Edgar Poe qui glaça le sang de ses lecteurs, eût beaucoup de succès et encouragea les taphophobes à mettre des sonnettes dans leur cercueil.
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Le Sachez Tu !? 😮 Mansuétude de mansuēscō, "j’apprivoise" manus et suesco et Jules-Alexis Muenier (1863–1942)

 Le Sachez Tu !? 

😮 Mansuétude
vient du latin mansuētus, participe parfait du verbe mansuēscō, "j’apprivoise", que l'on peut décomposer en :
manus, "main", + suēscō, "s'habituer".

J'aime beaucoup la mansuétude, la patience, la bienveillance qui émane de ce vicaire.
Sa leçon a lieu dehors, dans un charmant paysage aux couleurs pastel, au milieu des fleurs odorantes et de champêtres roses trémières, dans la douceur du soir, et le prêtre s'est installé à la hauteur des enfants, sur une petite chaise basse.

Sa pose, bonhomme, ses grosses mains jointes, les coudes sur les genoux, nous laisse imaginer que c'est un brave homme, proche de la terre et des gens simples...

Les quatre enfants semblent confiants et tranquilles, l'un deux même pense sans doute à autre chose en triturant une herbe folle.
Mais cette douceur n'exclue pas le respect :
c'est ce dont fait preuve l'enfant, debout, bras croisés, qui semble réciter...

Un enseignement sans préséance et sans différence :
ils sont tous traités de la même façon, côte à côte, sans distinction, alors que l'enfant debout a des habits usés et déchirés, les deux petites filles ont de jolies robes et un bonnet bien blanc en dentelle...
Mais ils sont tous quatre unis dans un traitement humain et indulgent...

A l'arrière plan, on distingue les toits du village de Coulevon, vers Vesoul, où s'était établi le peintre lyonnais, dans la propriété de son maitre Jean-Léon Gérôme, acquise par ses beaux-parents.
Ce chateau, a été saisi en 2010 pour 300 000 €

Vicaire est un mot qui vient de vicarius, remplaçant, et désigne un prêtre qui assiste le curé dans une paroisse catholique.

Ci-dessous :
Jules-Alexis Muenier (1863–1942)
La Leçon de catéchisme 1890
musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon.

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Le Sachez Tu !? 😮 "Les Pauvres Gens" de Victor Hugo et Théophile Alexandre Steinlen (Lausanne, 1859 - Paris, 1923)

 Le Sachez Tu !?

😮 "Les Pauvres Gens"
Il faut lire ce poème hugolien jusqu'à la chute !
Car tout est dans la dernière phrase...
(Challenge subsidiaire : réussir à finir sans pleurer 😉 )
Théophile Alexandre Steinlen (Lausanne, 1859 - Paris, 1923)
Illustration de 1903 pour le poème "Les pauvres gens" de Victor Hugo exposé à la Maison de Victor Hugo
Hauteville House à Guernesey
"Les Pauvres Gens"
Il est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close.
Le logis est plein d'ombre et l'on sent quelque chose
Qui rayonne à travers ce crépuscule obscur.
Des filets de pêcheur sont accrochés au mur.
Au fond, dans l'encoignure où quelque humble vaisselle
Aux planches d'un bahut vaguement étincelle,
On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants.
Tout près, un matelas s'étend sur de vieux bancs,
Et cinq petits enfants, nid d'âmes, y sommeillent
La haute cheminée où quelques flammes veillent
Rougit le plafond sombre, et, le front sur le lit,
Une femme à genoux prie, et songe, et pâlit.
C'est la mère. Elle est seule. Et dehors, blanc d'écume,
Au ciel, aux vents, aux rocs, à la nuit, à la brume,
Le sinistre océan jette son noir sanglot.
II
L'homme est en mer. Depuis l'enfance matelot,
Il livre au hasard sombre une rude bataille.
Pluie ou bourrasque, il faut qu'il sorte, il faut qu'il aille,
Car les petits enfants ont faim. Il part le soir
Quand l'eau profonde monte aux marches du musoir.
Il gouverne à lui seul sa barque à quatre voiles.
La femme est au logis, cousant les vieilles toiles,
Remmaillant les filets, préparant l'hameçon,
Surveillant l'âtre où bout la soupe de poisson,
Puis priant Dieu sitôt que les cinq enfants dorment.
Lui, seul, battu des flots qui toujours se reforment,
l s'en va dans l'abîme et s'en va dans la nuit.
Dur labeur ! tout est noir, tout est froid ; rien ne luit.
Dans les brisants, parmi les lames en démence,
L'endroit bon à la pêche, et, sur la mer immense,
Le lieu mobile, obscur, capricieux, changeant,
Où se plaît le poisson aux nageoires d'argent,
Ce n'est qu'un point ; c'est grand deux fois comme la chambre.
Or, la nuit, dans l'ondée et la brume, en décembre,
Pour rencontrer ce point sur le désert mouvant,
Comme il faut calculer la marée et le vent !
Comme il faut combiner sûrement les manoeuvres !
Les flots le long du bord glissent, vertes couleuvres ;
Le gouffre roule et tord ses plis démesurés,
Et fait râler d'horreur les agrès effarés.
Lui, songe à sa Jeannie au sein des mers glacées,
Et Jeannie en pleurant l'appelle ; et leurs pensées
Se croisent dans la nuit, divins oiseaux du coeur.
III
Elle prie, et la mauve au cri rauque et moqueur
L'importune, et, parmi les écueils en décombres,
L'océan l'épouvante, et toutes sortes d'ombres
Passent dans son esprit : la mer, les matelots
Emportés à travers la colère des flots ;
Et dans sa gaine, ainsi que le sang dans l'artère,
La froide horloge bat, jetant dans le mystère,
Goutte à goutte, le temps, saisons, printemps, hivers ;
Et chaque battement, dans l'énorme univers,
Ouvre aux âmes, essaims d'autours et de colombes,
D'un côté les berceaux et de l'autre les tombes.
Elle songe, elle rêve. - Et tant de pauvreté !
Ses petits vont pieds nus l'hiver comme l'été.
Pas de pain de froment. On mange du pain d'orge.
- Ô Dieu ! le vent rugit comme un soufflet de forge,
La côte fait le bruit d'une enclume, on croit voir
Les constellations fuir dans l'ouragan noir
Comme les tourbillons d'étincelles de l'âtre.
C'est l'heure où, gai danseur, minuit rit et folâtre
Sous le loup de satin qu'illuminent ses yeux,
Et c'est l'heure où minuit, brigand mystérieux,
Voilé d'ombre et de pluie et le front dans la bise,
Prend un pauvre marin frissonnant, et le brise
Aux rochers monstrueux apparus brusquement.
Horreur ! l'homme, dont l'onde éteint le hurlement,
Sent fondre et s'enfoncer le bâtiment qui plonge ;
Il sent s'ouvrir sous lui l'ombre et l'abîme, et songe
Au vieil anneau de fer du quai plein de soleil !
Ces mornes visions troublent son coeur, pareil
A la nuit. Elle tremble et pleure.
IV
Ô pauvres femmes
De pêcheurs ! c'est affreux de se dire : - Mes âmes,
Père, amant, frère, fils, tout ce que j'ai de cher,
C'est là, dans ce chaos ! mon coeur, mon sang, ma chair ! -
Ciel ! être en proie aux flots, c'est être en proie aux bêtes.
Oh ! songer que l'eau joue avec toutes ces têtes,
Depuis le mousse enfant jusqu'au mari patron,
Et que le vent hagard, soufflant dans son clairon,
Dénoue au-dessus d'eux sa longue et folle tresse,
Et que peut-être ils sont à cette heure en détresse,
Et qu'on ne sait jamais au juste ce qu'ils font,
Et que, pour tenir tête à cette mer sans fond,
A tous ces gouffres d'ombre où ne luit nulle étoile,
Es n'ont qu'un bout de planche avec un bout de toile !
Souci lugubre ! on court à travers les galets,
Le flot monte, on lui parle, on crie : Oh ! rends-nous-les !
Mais, hélas ! que veut-on que dise à la pensée
Toujours sombre, la mer toujours bouleversée !
Jeannie est bien plus triste encor. Son homme est seul !
Seul dans cette âpre nuit ! seul sous ce noir linceul !
Pas d'aide. Ses enfants sont trop petits. - Ô mère !
Tu dis : "S'ils étaient grands ! - leur père est seul !" Chimère !
Plus tard, quand ils seront près du père et partis,
Tu diras en pleurant : "Oh! s'ils étaient petits !"
V
Elle prend sa lanterne et sa cape. - C'est l'heure
D'aller voir s'il revient, si la mer est meilleure,
S'il fait jour, si la flamme est au mât du signal.
Allons ! - Et la voilà qui part. L'air matinal
Ne souffle pas encor. Rien. Pas de ligne blanche
Dans l'espace où le flot des ténèbres s'épanche.
Il pleut. Rien n'est plus noir que la pluie au matin ;
On dirait que le jour tremble et doute, incertain,
Et qu'ainsi que l'enfant, l'aube pleure de naître.
Elle va. L'on ne voit luire aucune fenêtre.
Tout à coup, a ses yeux qui cherchent le chemin,
Avec je ne sais quoi de lugubre et d'humain
Une sombre masure apparaît, décrépite ;
Ni lumière, ni feu ; la porte au vent palpite ;
Sur les murs vermoulus branle un toit hasardeux ;
La bise sur ce toit tord des chaumes hideux,
Jaunes, sales, pareils aux grosses eaux d'un fleuve.
"Tiens ! je ne pensais plus à cette pauvre veuve,
Dit-elle ; mon mari, l'autre jour, la trouva
Malade et seule ; il faut voit comment elle va."
Elle frappe à la porte, elle écoute ; personne
Ne répond. Et Jeannie au vent de mer frissonne.
"Malade ! Et ses enfants ! comme c'est mal nourri !
Elle n'en a que deux, mais elle est sans mari."
Puis, elle frappe encore. "Hé ! voisine !" Elle appelle.
Et la maison se tait toujours. "Ah ! Dieu ! dit-elle,
Comme elle dort, qu'il faut l'appeler si longtemps!"
La porte, cette fois, comme si, par instants,
Les objets étaient pris d'une pitié suprême,
Morne, tourna dans l'ombre et s'ouvrit d'elle-même.
VI
Elle entra. Sa lanterne éclaira le dedans
Du noir logis muet au bord des flots grondants.
L'eau tombait du plafond comme des trous d'un crible.
Au fond était couchée une forme terrible ;
Une femme immobile et renversée, ayant
Les pieds nus, le regard obscur, l'air effrayant ;
Un cadavre ; - autrefois, mère joyeuse et forte ; -
Le spectre échevelé de la misère morte ;
Ce qui reste du pauvre après un long combat.
Elle laissait, parmi la paille du grabat,
Son bras livide et froid et sa main déjà verte
Pendre, et l'horreur sortait de cette bouche ouverte
D'où l'âme en s'enfuyant, sinistre, avait jeté
Ce grand cri de la mort qu'entend l'éternité !
Près du lit où gisait la mère de famille,
Deux tout petits enfants, le garçon et la fille,
Dans le même berceau souriaient endormis.
La mère, se sentant mourir, leur avait mis
Sa mante sur les pieds et sur le corps sa robe,
Afin que, dans cette ombre où la mort nous dérobe,
Ils ne sentissent pas la tiédeur qui décroît,
Et pour qu'ils eussent chaud pendant qu'elle aurait froid.
VII
Comme ils dorment tous deux dans le berceau qui tremble !
Leur haleine est paisible et leur front calme. Il semble
Que rien n'éveillerait ces orphelins dormant,
Pas même le clairon du dernier jugement ;
Car, étant innocents, ils n'ont pas peur du juge.
Et la pluie au dehors gronde comme un déluge.
Du vieux toit crevassé, d'où la rafale sort,
Une goutte parfois tombe sur ce front mort,
Glisse sur cette joue et devient une larme.
La vague sonne ainsi qu'une cloche d'alarme.
La morte écoute l'ombre avec stupidité.
Car le corps, quand l'esprit radieux l'a quitté,
A l'air de chercher l'âme et de rappeler l'ange ;
Il semble qu'on entend ce dialogue étrange
Entre la bouche pâle et l'oeil triste et hagard :
- Qu'as-tu fait de ton souffle ? - Et toi, de ton regard ?
Hélas! aimez, vivez, cueillez les primevères,
Dansez, riez, brûlez vos coeurs, videz vos verres.
Comme au sombre océan arrive tout ruisseau,
Le sort donne pour but au festin, au berceau,
Aux mères adorant l'enfance épanouie,
Aux baisers de la chair dont l'âme est éblouie,
Aux chansons, au sourire, à l'amour frais et beau,
Le refroidissement lugubre du tombeau !
VIII
Qu'est-ce donc que Jeannie a fait chez cette morte ?
Sous sa cape aux longs plis qu'est-ce donc qu'elle emporte ?
Qu'est-ce donc que Jeannie emporte en s'en allant ?
Pourquoi son coeur bat-il ? Pourquoi son pas tremblant
Se hâte-t-il ainsi ? D'où vient qu'en la ruelle
Elle court, sans oser regarder derrière elle ?
Qu'est-ce donc qu'elle cache avec un air troublé
Dans l'ombre, sur son lit ? Qu'a-t-elle donc volé ?
IX
Quand elle fut rentrée au logis, la falaise
Blanchissait; près du lit elle prit une chaise
Et s'assit toute pâle ; on eût dit qu'elle avait
Un remords, et son front tomba sur le chevet,
Et, par instants, à mots entrecoupés, sa bouche
Parlait pendant qu'au loin grondait la mer farouche.
"Mon pauvre homme ! ah ! mon Dieu ! que va-t-il dire ? Il a
Déjà tant de souci ! Qu'est-ce que j'ai fait là ?
Cinq enfants sur les bras ! ce père qui travaille !
Il n'avait pas assez de peine ; il faut que j'aille
Lui donner celle-là de plus. - C'est lui ? - Non. Rien.
- J'ai mal fait. - S'il me bat, je dirai : Tu fais bien.
- Est-ce lui ? - Non. - Tant mieux. - La porte bouge comme
Si l'on entrait. - Mais non. - Voilà-t-il pas, pauvre homme,
Que j'ai peur de le voir rentrer, moi, maintenant !"
Puis elle demeura pensive et frissonnant,
S'enfonçant par degrés dans son angoisse intime,
Perdue en son souci comme dans un abîme,
N'entendant même plus les bruits extérieurs,
Les cormorans qui vont comme de noirs crieurs,
Et l'onde et la marée et le vent en colère.
La porte tout à coup s'ouvrit, bruyante et claire,
Et fit dans la cabane entrer un rayon blanc ;
Et le pêcheur, traînant son filet ruisselant,
Joyeux, parut au seuil, et dit : C'est la marine !
X
"C'est toi !" cria Jeannie, et, contre sa poitrine,
Elle prit son mari comme on prend un amant,
Et lui baisa sa veste avec emportement
Tandis que le marin disait : "Me voici, femme !"
Et montrait sur son front qu'éclairait l'âtre en flamme
Son coeur bon et content que Jeannie éclairait,
"Je suis volé, dit-il ; la mer c'est la forêt.
- Quel temps a-t-il fait ? - Dur. - Et la pêche ? - Mauvaise.
Mais, vois-tu, je t 1 embrasse, et me voilà bien aise.
Je n'ai rien pris du tout. J'ai troué mon filet.
Le diable était caché dans le vent qui soufflait.
Quelle nuit ! Un moment, dans tout ce tintamarre,
J'ai cru que le bateau se couchait, et l'amarre
A cassé. Qu'as-tu fait, toi, pendant ce temps-là ?"
Jeannie eut un frisson dans l'ombre et se troubla.
"Moi ? dit-elle. Ah ! mon Dieu ! rien, comme à l'ordinaire,
J'ai cousu. J'écoutais la mer comme un tonnerre,
J'avais peur. - Oui, l'hiver est dur, mais c'est égal."
Alors, tremblante ainsi que ceux qui font le mal,
Elle dit : "A propos, notre voisine est morte.
C'est hier qu'elle a dû mourir, enfin, n'importe,
Dans la soirée, après que vous fûtes partis.
Elle laisse ses deux enfants, qui sont petits.
L'un s'appelle Guillaume et l'autre Madeleine ;
L'un qui ne marche pas, l'autre qui parle à peine.
La pauvre bonne femme était dans le besoin."
L'homme prit un air grave, et, jetant dans un coin
Son bonnet de forçat mouillé par la tempête :
"Diable ! diable ! dit-il, en se grattant la tête,
Nous avions cinq enfants, cela va faire sept.
Déjà, dans la saison mauvaise, on se passait
De souper quelquefois. Comment allons-nous faire ?
Bah ! tant pis ! ce n'est pas ma faute, C'est l'affaire
Du bon Dieu. Ce sont là des accidents profonds.
Pourquoi donc a-t-il pris leur mère à ces chiffons ?
C'est gros comme le poing. Ces choses-là sont rudes.
Il faut pour les comprendre avoir fait ses études.
Si petits ! on ne peut leur dire : Travaillez.
Femme, va les chercher. S'ils se sont réveillés,
Ils doivent avoir peur tout seuls avec la morte.
C'est la mère, vois-tu, qui frappe à notre porte ;
Ouvrons aux deux enfants. Nous les mêlerons tous,
Cela nous grimpera le soir sur les genoux.
Ils vivront, ils seront frère et soeur des cinq autres.
Quand il verra qu'il faut nourrir avec les nôtres
Cette petite fille et ce petit garçon,
Le bon Dieu nous fera prendre plus de poisson.
Moi, je boirai de l'eau, je ferai double tâche,
C'est dit. Va les chercher. Mais qu'as-tu ? Ça te fâche ?
D'ordinaire, tu cours plus vite que cela.
- Tiens, dit-elle en ouvrant les rideaux,
les voilà !"

mercredi 1 février 2023

Le Sachez Tu !? 😮 Panthéon de Paris : temple de tous les dieux, était l'Eglise Ste Geneviève

 Le Sachez Tu !?

😮 Panthéon :
vous saviez que ce nom vient du grec πάνθειον pántheion, signifiant "(temple) de tous les dieux" et que celui de Paris est calqué sur le nom de celui de Rome, comme mausolée pour ses hommes illustres.
Mais saviez -vous que notre Panthéon n'était pas du tout destiné à cette fonction à l'origine ?
On rembobine :
Nous sommes dans la nuit du 7 au 8 août 1744, et Louis XV, en déplacement à Metz, est pris d'une très forte fièvre et semble à l'article de la mort.
Il recommande son âme à Dieu, prie Ste Geneviève, et fait le vœu de lui construire une belle Eglise, s'il échappe à la mort...
Chose promise, chose due...
Louis XV va tout de suite beaucoup mieux, mais ce n'est que vingt ans plus tard, le 6 septembre 1764, qu'il pose la première pierre...
C'est l'architecte Soufflot qui conçoit le plan en croix et la coupole, mais le malheureux Jacques-Germain ne voit pas son oeuvre achevée, puisqu'il meurt entre temps.
Les années passent, la construction avance, mais ce n'est qu'en 1790 qu'est enfin achevée l'Eglise consacrée à Geneviève, la sainte patronne des parisiens, sur le haut de la montagne portant son nom, un des plus hauts points du Paris d'alors.
Hélas, la date ne vous aura point échappé :
entre temps, nous sommes en pleine tourmente révolutionnaire et la mode n'est plus aux saints et à leurs églises...
Qu'à cela ne tienne, on va bien trouver une affectation digne de ce splendide édifice, et, cela tombe bien, le 2 avril 1791 Mirabeau meurt et on ne sait pas trop où l'enterrer :
l'Eglise St Geneviève débaptisée et rapidement rebaptisée pour l'occasion "Panthéon des gloires nationales" sur le modèle du Panthéon romain, lui servira de magnifique mausolée.
Bon, manque de chance, quelques mois plus tard, on découvre la correspondance secrète entre Mirabeau et Louis XVI visant à rétablir celui-ci, et son corps est déménagé manu militari et jeté à la fosse commune
(grandeur et décadence)...
Mais depuis, "la patrie reconnaissante" l'a remplacé par une longue cohorte d'hommes - et maintenant de femmes - célèbres dont la liste s'allonge chaque année.
(On se demande où l'on va finir par caser tout ce beau monde...)
En 2018, 81 personnes avaient été « panthéonisées »,
mais seulement 74 y avaient leur véritable tombe.
Ci-dessous :
Paul Rossert (1851-1918)
Le Panthéon vu du Jardin du Luxembourg
Aquarelle, gouache et pastels
Galerie Boutillier St Sebastien
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mardi 31 janvier 2023

Le Sachez Tu !? 😮 "El dos de mayo"

 Le Sachez Tu !?

😮 "El dos de mayo"
Non ! Rien à voir avec le "dos du tube de mayo", comme je l'ai entendu (sic : véridique)
1808 : Charles IV et son fils, l'infant Ferdinand VII, se disputent le trône d'Espagne et en appellent à Napoléon pour trancher leur différend...
Grossière erreur :
c'est un peu comme si deux brebis s'en remettaient au loup pour les mettre d'accord : on imagine la suite...
Napoléon en profite évidemment pour forcer les deux souverains à abdiquer et offre la couronne à son propre frère, Joseph Bonaparte.
Mais l’armée française se heurte à une guérilla qui se propage à toute l'Espagne, puis à l’armée britannique venue aider le Portugal, également occupé par les troupes de Napoléon
Le 2 mai 1808, croyant à l’enlèvement de la famille royale par la France, la population madrilène se soulève contre les troupes françaises.
Cette rébellion est cruellement écrasée dans le sang par Joachim Murat.
(Ferdinand VII le fera fusiller 7ans plus tard...) .
Les célèbres tableaux de Goya, rappellent les fusillades nées de cette répression.
De 1808 à 1814, le général Léopold Hugo, père du futur poète, va s’engager dans une répression contre la guérilla populaire, pour consolider la couronne de son protecteur, Joseph Bonaparte, devenu Roi d’Espagne.
Le général Hugo est rejoint par sa famille en 1812, et le jeune Victor alors âgé de dix ans, sera marqué ce séjour...
Le poème "Après la bataille" rend hommage à son père.
Après la bataille
Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d'un seul housard qu'il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d'une bataille,
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Il lui sembla dans l'ombre entendre un faible bruit.
C'était un Espagnol de l'armée en déroute
Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide, et mort plus qu'à moitié.
Et qui disait: " A boire! à boire par pitié ! "
Mon père, ému, tendit à son housard fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit: "Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. "
Tout à coup, au moment où le housard baissé
Se penchait vers lui, l'homme, une espèce de maure,
Saisit un pistolet qu'il étreignait encore,
Et vise au front mon père en criant: "Caramba! "
Le coup passa si près que le chapeau tomba
Et que le cheval fit un écart en arrière.
" Donne-lui tout de même à boire ", dit mon père.
Ci-dessous :
Francisco de Goya (1746–1828)
Le deux Mai 1808
Charge of the Mamelouks, début de la guerre d'Espagne : rue d'Alcalá et Puerta del Sol, les chasseurs à cheval de la Garde impériale, appuyés par les mamelouks, dispersent les manifestants
armés de simples couteaux mais déterminés.
Le mot d'ordre sera :
"Muerte a los Franceses" et se répand dans toute la péninsule.
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Le Sachez Tu !? 😮 Palais des papes et Viollet le Duc

 Le Sachez Tu !?

😮 Palais des papes
Le palais de papes (où je fus guide interprète il y a fort fort longtemps) et pont St Benezet en 1833 (donc quand même bien avant moi 😉 ) et surtout avant la reconstitution de Viollet le Duc.
La pose de la statue de la Vierge de Notre-Dame des Doms date de 1859 (j'y ai fait ma communion solennelle, un peu après 😉 ...)
En 1792, la destruction du palais des papes, alors en ruine, fut votée et il fut finalement transformé en prison pour partie et d’autre part en caserne.
Malgré son inscription sur la liste des Monuments historiques de 1840, le palais ne fut évacué par les prisons qu’en 1871 et par l'armée en 1906.
Ouvert au public en 1907, il fit ensuite l’objet d’une restauration qui dura plusieurs décennies s'écartant sensiblement des projets de Viollet le Duc.
Ci-dessous :
Isidore Dagnan (1788 -1873) né à Marseille, mort à Paris.
Palais des Papes et pont St Bénézet
Selon la légende, en 1170, c'est à dire à l'âge de cinq ans, Bénézet, jeune pâtre du Vivarais, aurait entendu une voix céleste lui enjoignant de construire un pont sur le Rhône.
Il alla donc à Avignon pour y rencontrer l'évêque qui, d'abord sceptique, accepta sa proposition.
Avec un groupe d'amis, Bénézet entreprit la construction du pont d'Avignon en 1177 à l'âge de douze ans.
Mais construit dans une courbe du Rhone, et trop exposé au courant, le pont fut emporté quelques années après...
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