Le Sachez tu !? "Faire un boeuf musical",
d'où vient cette étrange expression !?
Ha ! c'est une longue histoire ! Commençons par le début :
Nous sommes en 1919 :
un jeune musicien marseillais, Darius Milhaud (1892-1974) qui compose surtout des airs de piano accompagnant les films muets de Chaplin, rentre du Brésil.
Darius y a été en effet le secrétaire de Paul Claudel, nommé vice consul à Rio de Janeiro (le "Rio de Janvier"), pour gérer le problème du "Brazil Railway", où d’importants capitaux français ont été dilapidés.
Ils en ont profité pour écrire ensemble un ballet en 1917 :
"L’Homme et son désir", après avoir vu les Ballets russes et Nijinski à Rio. https://www.youtube.com/watch?v=RmfdXF7zWlI...
A son retour en France, Darius a les oreilles pleines des musiques gaies du folklore brésilien et du carnaval carioca de 1918...
Parmi toutes ces mélodies colorées qui l'enthousiasment,
figure un tango qui fait fureur alors là-bas, écrit pour le carnaval de 1918 par José Monteiro, dit "Zé Boiadeiro" (le "cow Boy"), une musique amusante jouée par sa banda, où l'on entend une trompette figurant un boeuf qui mugit : "O Boi no Telhado" , qui se traduit par "le boeuf sur le toit"...
Il n'est en effet pas rare de voir, à l'époque au Brésil, des restaurants de "Gaucho" servant du boeuf, avec une effigie de boeuf sur le toit, en guise d'enseigne !
Inspiré, Darius Milhaud "compose", (rassemble, en réalité) une musique, où l'on retrouve, juxtaposés dans une espèce de "recollection à la Voulzy", une quinzaines de thèmes qui se superposent et s'entrecroisent, parfaitement identifiables, extraits de chansons, de tangos et autres sambas, en vogue alors au Brésil.
(la liste exhaustive de ces morceaux est en bas de l'article avec les morceaux initiaux, et les enregistrements d'époque)
Darius transforme finalement, sur les conseils de Jean Cocteau (1889-1963), cette pièce musicale en un ballet, une pantomime à la Charlot, dont Jean écrit l'argument et qui est créé le 21 février 1920 à la Comédie des Champs-Élysées, avec des décors de Raoul Dufy.
Les vedettes, pantins et mimes, en seront les trois frères Fratellini, trois clowns stars, qui se produisent, depuis 1914 au cirque de la veuve de Jérôme Médrano (1897) à cinq minutes du Moulin Rouge (1889).
C'est le départ d'un immense succès.
Milhaud, devenu célèbre, a fondé, entre-temps, un groupe de compositeurs qu'il a nommé "Le groupe des six"
(en référence au "groupe des cinq" russe de 1867).
Quelqu'un de malin va surfer sur la vague de cette notoriété :
c'est un jeune Ardennais, natif de Charleville, Louis Moyses, alors gérant du bar musical le "Gaya" rue Duphot (de Gaia, nom d'un vin de Porto) où se produit le pianiste de jazz Jean Wiéner (1896-1982) qui joue les airs de l'américain George Gershwin et des ragtimes sautillants.
Louis Moyses ouvre, alors, à son compte, le 10 janvier 1922, dans le même quartier, mais au 28 de la rue Boissy d'Anglas, dans le 8°, un restaurant-Cabaret-Music-Hall, qu'il appelle donc le "Boeuf sur le toit".
Le "Boeuf sur le toit" devient vite la coqueluche des nuits parisiennes branchées, huppées, fréquenté par l'intelligentsia parisienne des années folles, les surréalistes, et tout ce que la capitale connait alors de personnalités en vogue et en vue, dont Milhaud et ses amis.
Les musiciens de jazz y abondent, évidemment, et s'y retrouvent après leur propre spectacle, pour entamer des improvisations, des sessions aussi endiablées que spontanées où chacun amène son instrument, pour une "confiture" commune, ou "Jam" session, comme on disait alors en anglais, ou un "boeuf" 

Rondo 1 :
São Paulo Futuro (maxixe curtindo, 1914) de Marcelo Tupinambá
Rondo 2 (Darius Milhaud)
Viola Cantadeira (tanguinho/canção sertaneja, 1917) de Marcelo Tupinambá
Rondo 3 (Darius Milhaud)
Amor Avacalhado (tango, 1918) de João de Souza Lima, alias Xon-Xon
O Matuto (cateretê/canção cearense, 1918) de Marcelo Tupinambá
O Boi no Telhado (tango, 1918) de José Monteiro, alias Zé Boiadèro
Rondo 4 (Darius Milhaud )
Ferramenta (tango, 1905) d'Ernesto Nazareth
Olh’ Abacaxi! (samba, 1918) de F. Soriano Robert
Rondo 5 (Darius Milhaud )
Gaúcho (corta-jaca, 1895), de Chiquinha Gonzaga
Flor do Abacate (polka, 1915) d'Álvaro Sandim
Rondo 6 (Darius Milhaud)
Tristeza de Caboclo (tanguinho, 1919) de Marcelo Tupinambá
Maricota, Sai da Chuva (tanguinho, 1917) de Marcelo Tupinambá
Rondo 7 (Darius Milhaud)
Carioca (tango,1913) d'Escovado
Rondo 8 (Darius Milhaud)
Valse (non-identifiée : Milhaud ?)
Rondo 9 (Milhaud)
Caboca di Caxangá (canção, 1913) de Catulo da Paixão Cearense
Rondo 10 (Darius Milhaud)
Vamo Maruca (Samba, 1918) de Juca Castro
A mulher do bode (polka-tango, 1918) d'Oswaldo Cardoso de Meneze
Urubu Subiu (desafio sertanejo, carnaval 1917), auteur inconnu, chanté par Vicente Celestino.
Rondo 11 (Darius Milhaud)
Tango Brasileiro (1890) d'Alexandre Levy
Que Sodade! (cena sertaneja, 1918) de Marcelo Tupinambá
Rondo 12 (Darius Milhaud)
Seu Amaro Quer (tango carnavalesco, 1918) de Soriano Robert
Sertanejo (tango/batuque-dança brasileira, 1919) de Carlos Pagliuch
Para Todos (samba carnavalesco, 1919) d'Eduardo Souto
Rondo 13 (Darius Milhaud)
Galhofeira (No. 4 des Quatro peças líricas, op. 13, 1894) d'Alberto Nepomuceno
Rondo 14 (Darius Milhaud)
Sou Batuta (tanguinho, 1919) de Marcelo Tupinambá
Rondo 15 (Darius Milhaud)
Apanhei-te, Cavaquinho (polka, 1915) d'Ernesto Nazareth
(O Boi no Telhado )
Ci-dessous :
de Jacques-Émile Blanche (1861-1942)
(l'auteur du fameux portrait de Proust)
Le groupe des six 1922 (190 x 112 cm)
Musée des Beaux-Arts de Rouen.
au centre :
la pianiste Marcelle Meyer.
À gauche, de bas en haut :
Germaine Tailleferre, Darius Milhaud, Arthur Honegger, Jean Wiener, le pianiste du bar le"Gaya".
À droite, debouts :
Francis Poulenc, Jean Cocteau
Assis : Georges Auric.
Seuls cinq des "Six" sont représentés, Louis Durey est absent.
TOUS DROITS RÉSERVÉS © Laurence Chalon 2019
Le partage est le bien venu, le "copié collé", sans le nom de l'auteur est interdit.
Cet article, et plus de 650 autres, est à retrouver sur :
- ma page Face Book " Le sachez tu !?
"

- et sur mon blog :